OEUVRES
BIOGRAPHIE
COLLECTIONS
BIBLIOGRAPHIE
ILS
ONT DIT...
VIDEOS |
Tenez, il neige 1, 2015
33x10x3cm
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Tableau céramique, 2014
52x35x3cm
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Tenez, il neige 2, 2014
41x20x10
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Tenez, il neige 3
41x10x5
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Femme paysage 1, 2015
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Femme paysage 2, 2015
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« Votre âme est un
paysage choisi… »
Clair
de Lune, Paul Verlaine
Née en 1946 à Paris.
Vit et travaille à Paris.
Sylvia Katuszewski est
une créatrice «habitée» qui vit dans le compagnonnage
des poètes (elle a notamment entretenu une
correspondance avec René Char).
Elle modèle dans la terre une cohorte d’icônes
totémiques, femmes-souffrance ou déesses endolories,
saintes écorchées, poétiques et meurtries, belles de
douleur.
Femmes blessées et superbes, toutes debout,
femmes-enfants, femmes-mères d’une blancheur laiteuse,
tendre et sucrée portant parfois les stigmates de
douleur à travers un regard dégoulinant de noir ou une
scarification ancrée dans la chair
Femmes totémiques, touchantes, effigies de douleur et de
beauté, comme inachevées, tendrement modelées.
Un art du paradoxe, né du choc de la cuisson. L’épreuve
du feu façonne les femmes-enfants de Sylvia Katuszewski,
tout comme la vie !
Icônes adorées, reliques encensées, réceptacle des
prières et de l’adoration des hommes, les sculptures de
Sylvia Katuszewski incarnent néanmoins la souffrance des
femmes, des mères, des enfants perdus ou délaissés, des
maternités avortées.
Un art du contraste où la souplesse du traitement
parvient à suggérer avec force la dureté du propos.
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ILS ONT DIT... |
Je
ne vous dirai pas qu’elle pétrit l’argile de toutes les
origines, que ses visions trainent toutes les
rêveries, qu’elle est la déesse mère, le peintre des
femmes fleurs et des paradis retrouvés, qu’elle est
aussi la femme des douleurs et des souvenirs indicibles
.Tout a été dit et bien dit. Le grand critique qu’est
Roger Cardinal a consacré des pages profondes à ses âmes
errantes. Ses veuves esseulées sont arrachées au feu du
raku et léchées par les flammèches d’un enfer
entre-aperçu. Elles cherchent les merveilleux nuages,
les imaginent et, peut-être, les revoient.
Mais ne courent pas après pour les attraper dans des
filets à papillons détachant leur vert vif sur le ciel
bleu.
Non l’artiste n’est pas une naïve même si de soudaines
douceurs en rappelle parfois la tendresse quotidienne.
Ses visages n’ont en fait rien de quotidien : ils
portent la même signification lointaine que ceux de
Saint Soleil qui, en marge de la vie haïtienne si
souvent peinte et repeinte dans ses marchés, ses rues et
ses campagnes, montrent ses portraits aux lignes
étranges et aux regards évadés.
Ah les regards, les regards, c’est de cela que je
voudrais vous parler. Il n’y a pas toujours de forme
définie, de corps, il y a toujours des regards, des
merveilleux regards dont l’expression donne tout son
sens à la sculpture et au dessin et lui confère sa
présence même. Quand je contemple ces merveilleux
portraits des siècles derniers, bien entendu je ressens
ce qu’ apporte la pose qui est une construction de
l’espace qui révèle le statut du commanditaire. Les
traits du visage et l’œil qui saisit les lumières, les
reflets du cristallin sont révélation du temps .
Les visages de Sylvia.K n’ont pas de traits, ses yeux
n’ont pas de lumière et sont réduits dans ses dessins à
des points noirs. Les visages surgissent de masses
allongées en esquisse de corps, de l’argile malaxé en
coulées puissantes. En devenir, à faire, à naitre sous
les visages penchés, surpris peut être d’être en avance…
Deux lèvres fines, deux points noirs, une tête très
légèrement penchée vers l’enfant cernée par ses cheveux
qui le détachent de la terre. L’enfant, ses yeux, deux
autres points noirs, regarde le sol tenu par des bras
très fragiles, veut descendre. Non. La mère ne regarde
pas l’enfant, elle regarde aussi le sol.
La mère étonnée, la fille plutôt curieuse, intéressée.
Que regardent-elles ? La vie, peut-être ? Mais
elle est dénommée « falaise »cette sculpture,
le vide alors ? Qu’importe d’ailleurs le chemin que
ces regards parcourent, le nôtre trouvera le sien.
Cette vie, les endeuillées en portent le chagrin. L’une
dans un mouvement de recul de son corps semble regarder
au loin un défilé de funérailles, de ses deux points
noirs immenses et parfaitement ronds. L’autre a la forme
d’une poupée russe ou d’un nourrisson emmitouflé . Son
visage est à moitié dans l’ombre. On distingue à peine
ses deux yeux, traits noirs comme s’effaçant. Ici se
retrouve la profondeur du deuil unissant dans un même
chagrin la naissance et le mort..
Pourquoi d’autres me font penser aux portraits du
Fayoum ?Peut-être parce que pour la première fois
dans l’histoire de la peinture, leurs regards
communiquent leur détresse à ceux qui survivent .Regards
qui nous fixent puis nous frôlent pour englober une
dernière fois le monde qu’ils vont quitter.
Et bien entendu nous arrivons à ses gisants. Aux yeux
vides et sans regard. Ou paradoxalement le corps aurait
trouvé sa place en son squelette? Orbites vides et chair
disparue ? Dans sa boite. N’est-bien que
cela ?
Ces gisants aveugles ne sont pas ceux des princesses et
des rois. A vrai dire ils sont souvent ce qui
apparaitrait si l’on soulevait les dalles
orgueilleusement sculptées de Saint Denis et de
Fontevrault : délivrés au regard dans la grande
égalité de la mort, tous les fonds de tombeaux !
Mais s’il est de vraies gisantes, elles sont femmes,
enveloppées dans le double anonymat du suaire et du
blanc. Ou formes à peine esquissées perdues dans la
masse de la tombe.
Et pourtant si l’on devait terminer ainsi notre propos
il serait trompeur car l’artiste fuyant l’ostentatoire a
su rester dans la mélancolie qui est, en notre siècle
menaçant, la forme la plus rapprochée du bonheur. Il y a
là l’énergie d’un regard profondément marqué et
délibérément ouvert. Toute cette œuvre est emportée,
roulée, polie par le torrent d’une vie en lutte pour son
sens. Comme toute oeuvre vraie absente, l’émotion
qu’elle suscite prolonge ses effets ,rallume ses
regards. Elle devient partie intégrante de notre
existence .Ses traits surgissent soudainement au cœur
d’un chagrin au détour d’une joie. Elle aide à mieux
comprendre l’un ,à mieux ressentir l’autre. Elle nous
enrichit. Encore faut-il la mériter. »
Alexis
PERON
« Quitter
de vieilles amies qui, depuis plus de vingt ans, sont
nées de votre cœur et de vos mains, ne se fait pas
sans souffrances ! Se remettre totalement en
cause ; abandonner des sécurités récurrentes,
lorsqu’on parvient à la moitié descendante de la
cinquantaine n’est pas non plus facile ! C’est
pourtant ce qu’a fait Sylvia Katuszewski lorsqu’elle
s’est aperçue que son savoir-faire risquait
d’engloutir sa créativité. Bien sûr, ce "changement"
n’a pas été le fruit d’une froide décision. Comme lors
d’une maladie qui "couve" en vous sans se déclarer,
l’artiste a connu des angoisses dénuées de raisons,
des questionnements ne recevant aucune réponse
définitive… Elle s’est accrochée à ses "Mater
Dolorosa", sculptures féminines, blanches ou
polychromes, sorte de saga dans laquelle elle
exprimait depuis tant d’années ses difficultés
existentielles et ses paradoxes liés à de possibles
souvenirs d’enfance, à des paradis terrestres explorés
puis oubliés… Mais désormais, le doute persistait,
l’obligeant à s’en éloigner.
Alors, elle a
réalisé une multitude d’aquarelles qui, à ce
moment-là, lui ont paru –et sans doute
l’étaient-elles- primordiales : où des petits
personnages évoluaient dans des jardins d’Eden ;
où des enfants devenaient fleurs ou oiseaux… un monde
idyllique, en somme, l’éternel hymne à la vie de cette
artiste qui, parlant d’elle-même, dit : "Je
suis née de la cendre…"
Il
semble, rétrospectivement, que ces œuvres légères qui
la ramenaient à deux dimensions, aient été autant
d’escales où Sylvia Katuszewski reprenait son souffle,
regroupait ses forces, tel le vent qui soudain
s’arrête avant de repartir de plus belle ! Et
c’est bien ce qui s’est produit car un jour a ressurgi
son incoercible envie de plonger ses mains dans la
terre. Cette nouvelle démarche à la fois liée à la
précédente et complètement différente, la laisse
encore dubitative, car elle s’impose sans que
l’artiste puisse en saisir tous les tenants et les
aboutissants. Mais d’ores et déjà, pour le visiteur,
certains chemins apparaissent à l’évidence :
D’abord, elle
qui donnait à ses œuvres des tonalités éclatantes, a
choisi le raku, cette manière de cuisson de la terre
aussi vieille que l’Homme, comme en un besoin de
revenir à des techniques originelles. Ce choix ne
s’est pas opéré au hasard, mais pour la symbolique
qu’il véhicule : naturel et sobriété ;
détachement, intériorisation et simplicité des
sentiments. Terres cuites de façon à obtenir des grès
rugueux, gris et noirs avec par endroits des
flamboiements rentrés de rouges sombres ou de bleus
froids ; et des nuances apportées par des
glaçures plombeuses, épaisses et brillantes, creusées
d’infimes dépressions.
Les formes,
elles aussi, ainsi que leur chronologie, sont
hautement symboliques : des galets, d’abord,
qu’elle a triturés, chantournés… jusqu’à leur donner
l’air d’avoir échappé au Chaos universel ! Et sur
lesquels sont couchés côte à côte de petits
personnages peints, aux bustes conçus en une ligne
unique, expressive sans être réaliste, tandis que le
bas des corps est informel, voire inexistant :
les origines de l’Homme, en somme !
Et
puis, par un besoin de structurer ces bouleversement
cataclysmiques, l’artiste a commencé à réaliser des
" plaques ", aux contours raboteux certes,
mais incontestablement quadrangulaires : et,
dessus, elle a gravé de nouveaux personnages tronqués
par des enchevêtrements de végétations ou de
rocs : l’Homme se levant, émergeant des éléments
pour devenir lui-même…
Et Sylvia Katuszewski,
dans cette promenade au fil des millénaires ? Il
semble bien qu’ayant coupé le cordon ombilical qui la
rattachait à ses précédentes créations, elle ne soit pas
encore capable, comme il est dit ci-dessus, de
s’affirmer haut et fort. Mais qu’elle se cherche ;
qui mieux est, qu’elle cherche SA forme dans ce nouvel
infini déjà si personnel : après les plaques où
elle a tenté de faire surgir ces minuscules Golems, elle
a, en effet, commencé une série de masques aux bords
irréguliers évoquant des cercles, des rectangles, des
triangles…
Sachant que depuis toujours et en toutes civilisations,
les masques permettent d’explorer le tréfonds de l’âme
humaine et à leur auteur d’affirmer différemment son
identité psychologique et culturelle, faut-il s’étonner
qu’elle ait -de même que l’enfant derrière son masque
"se change" en fantôme ou en sorcier- tenté avec les
siens de faciliter sa mutation, se changer en l’auteure
d’une nouvelle génération d’individus naissant dans des
espaces dont la définition s’affine peu à peu ?
Epais et lourds, ces objets cérémoniels portent des
scarifications ou des reliefs, des motifs décoratifs…
ou, à la place des joues, de petits médaillons aux
visages découpés comme des camées, et à peine rehaussés
de fins cheveux d’or jaune, situés à proximité d’une
bouche béante, hurlant son cri primal. Porteurs d’une
sorte de magie mimétique, ces masques ont apparemment
permis à la créatrice -et ce mot prend ici sa force
littérale- de réactiver son mythe fondateur et de créer
une sorte de sculpture redevenue tridimensionnelle où,
dans les plissements d’un magma figé pour l’éternité,
émergent de petits individus encore incomplets, aux
traits tout de douceur, aux grands yeux ronds, "beaux"
de l’innocence originelle ; mais déjà soudés les
uns aux autres, en une amorce de "vie" sociale…
Aucun doute n’est possible : Sylvia Katuszewski est
parvenue à un point de non-retour. Sur des voies qu'il
lui reste à rendre définitives, elle chemine déjà,
déposant au long de son parcours des témoignages qui lui
permettent de redevenir elle-même, d’être "elle chez
elle", tout en étant autre et ailleurs ! N’est-ce
pas là le rêve de tout artiste ? »
Jeanine RIVAIS, N°
73 TOME 1 DE MARS 2003 DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION
LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA
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